Territoires urbains et reseaux sociaux: les processus de migration internationale dans les quartiers de la ville senegalaise de Kaolack
Babacar Ndione
La fragilisation des contextes économiques et le durcissement des politiques migratoires dressent des barrières de plus en plus difficiles à franchir sur le chemin de la migration internationale, notamment vers le Nord. Dans ce contexte, la migration ne peut plus être considérée comme une aventure individuelle, mais doit être envisagée comme une stratégie collective, qui mobilise des structures économiques, politiques, sociales et culturelles à la fois dans les pays d’origine et d’accueil ; les contours de cet espace migratoire se dessinant en fonction des réseaux de solidarité qui se renforcent et se diversifient. Pour mieux saisir les dynamiques migratoires actuelles, il importe donc de placer les individus et les groupes dans une logique de réaction et de mobilisation face à un environnement international difficile et instable (resserrement des politiques d’immigration). Les réseaux constituent pour les candidats à la migration internationale, des voies de passage pour franchir les frontières des pays d’accueil, pour accéder à un logement et à un emploi à l’étranger. Les points de jonction des deux principaux pôles (de départ et d’arrivée) d’un réseau peuvent être plus ou moins solides, en fonction de la densité des liens forgés par ses différents membres et de leur capacité d’organisation. Selon plusieurs auteurs, l’appartenance à un réseau facilite la migration, grâce aux différentes formes d’appui qu’il apporte au migrant. Par ailleurs, la transformation des conditions économiques et sociales de la localité d’origine, par les retombées de la migration, agit sur la propension à émigrer des autres habitants. Enfin, l’expérience que les migrants accumulent dans les pays d’accueil est susceptible de modifier, dans les communautés d’origine, les perceptions et les valeurs, en créant une véritable « culture de la migration ». Quels sont les points d’ancrage de ces réseaux migratoires ? A partir de quoi et comment se tissent-ils et deviennent-il des cordons reliant les pays de départ aux divers pays d’aboutissement des flux migratoires ? Pour appréhender l’effet des réseaux sur la migration internationale, nous nous appuierons sur des données qualitatives collectées par le biais de grilles d’entretien semi-directif auprès de notables (et autres chefs coutumiers ou religieux) et de migrants internationaux dans quatre quartiers de la ville de Kaolack. Ces entretiens ont permis de décrire l’histoire migratoire et sociale du quartier, son mode de fonctionnement et d’organisation ainsi que les rapports de voisinage entre les habitants. De même ces récits ont étayé les questions de la diffusion du comportement migratoire à l’intérieur du quartier, des appuis et soutiens reçus, au départ et à destination, par un parent ou un ami du quartier et des transferts économiques et symboliques dans le quartier. Le cadrage statistique de cette analyse qualitative est fourni par une enquête réalisée en 1996/97 dans les quartiers d’étude.